Michel Albertini

 

Michel Albertini le 17 avril

 

 

 

 

 

Danseur, comédien, metteur en scène, scénographe, auteur de théâtre, de romans et à l’occasion chanteur, Michel Albertini est un artiste éclectique qui s’est construit au fil de ses rencontres, de ses voyages et de ses coups de cœurs.

L’homme en noir est un personnage haut en couleurs ! Entre deux tournages, il nous fait l’honneur d’une rencontre à la Maison Louis Guilloux, le 17 avril à 18h30. Et parce que l’on ne peut pas « passer son temps à interpréter des dialogues à la con pour la télévision », nous parlerons avec lui de son dernier roman « L’enfant sale ».

 

D’origine Corse, Michel Albertini grandit dans le Marseille des années 60. Enfant, il rêvait de devenir grand rabbin de France et c’est finalement en travaillant et présentant devant ses camarades de classe un texte de Victor Hugo qu’il en décidera autrement : comédien (« c’est un peu la même chose » dira-t-il plus tard).

 

Au lycée, il rencontre Philippe Caubère et Eric Eychenne qui viennent y présenter leur spectacle Molière. Avec ce dernier, ils se retrouvent au « Mini Théâtre de Marseille », créé en collaboration avec Maurice Vinçon et Robert Badani dans un local annexe de la Bibliothèque de Marseille, où ils ouvrent la première saison en jouant « Verlaine et Rimbaud ». En parallèle, Michel Albertini fréquente le Conservatoire National de Marseille. Il collaborera de nouveau avec Eric Eychenne six et trente ans plus tard autour de mises en scènes (« Dom Juan » de Molière ou « Les rues sont vides » de Jacques Parent au Centre Pompidou).

 

C’est également à Marseille que Michel Albertini rencontre Roland Petit. Celui-ci l’engage dans sa troupe de ballets et lui permet de quitter sa ville natale. Le voici donc danseur ! Il participe à plusieurs ballets : « Carmen », « Maïakovski », « Pink Floyd » et deux ans plus tard, au Casino de Paris : l’homme en noir porte un costume rose dans une revue de Zizi Jeanmaire interprétant Serge Gainsbourg.

 

A Paris,après l’ENSATT (Centre de la Rue Blanche), Michel Albertini poursuit ses études de théâtre au Conservatoire National d’Art Dramatique de Paris dans les classes de Jean-Pierre Miquel, Pierre Debauche et Antoine Vitez. En 1979, il écrit sa première pièce « Aïna Salah » qu’il mettra en scène deux ans plus tard au Jeune Théâtre National. En parallèle de différents rôle au théâtre, il se lance dans le cinéma et travaille pour la télévision. En 1975, il est Parîs dans « La guerre de Troie n’aura pas lieu » de Jean Giraudoux. Une interprétation remarquée qu’il jouera durant deux ans sous la direction de J. Mauclair puis de J. Mercure. Sur le même plateau, dans le rôle d’Hector : José Maria Flotats.

On les retrouvera tous deux en Espagne durant les années antifranquistes « pour donner un coup de main » aux côtés du chanteur Lluis Llach, une des figures de proue du combat pour la culture catalane sous le franquisme.

L’Espagne marquera Michel Albertini, tant à travers les vacances qu’il y passe enfant, ses premières amoureuses et ses premiers spectacles de flamenco qu’à travers ses séjours ultérieurs.

Un clin d’œil dans « l’Enfant sale » lorsque son père dit à la serveuse «  que les espagnoles étaient bien plus sanguines que les marocaines, qu’il aimait la corrida et cette manière particulière qu’ont les ibériques de prononcer des « s », la langue rose qui apparaît juste au-dessus de la lèvre inférieure un peu proéminente, quand elles disent : conception, ou corasson… ».

Mais surtout dès le début des années 2000, un hommage rendu à l’Espagne à travers le flamenco « à cette part très forte de révolte donc de révolution » qu’il y retrouve. « Crier des choses encore et toujours importantes ; l’amour du peuple, la générosité, la fraternité, ce besoin de parole échangée ». Il interprète : « Fantaisie Flamenca » avec Dario Arboleda ; « L’arme du futur », « Les maîtres du flamenco », « Guernica », « Duo flamenco », «  Le sang des poètes » avec Dimitri Puyalte ; « Guerre d’Espagne » avec Claire Tudela ou encore « Bleu Conrad » avec Lori La Armenia et Dimitri Puyalte, mis en scène par Jean Yves Lazennec en compagnie du groupe Corse Barbara Furtuna. Des spectacles joués à Séville, San Luca de Barrameda, Paris, Lille, Montreuil et en Corse.

Mais bien avant cet hommage espagnol, Michel Albertini se nourrira d’autres rencontres. Il partira en Allemagne rejoindre la troupe de Rainer Werner Fassbinder et Peter Chatel avec qui il interprète « L’Homme de cuir ». On le retrouve également aux Etats-Unis, boursier « Villa Médicis Hors les Murs ». Il se produira sur les planches de Broadway dans des spectacles musicaux, notamment aux côtés d’Etienne Roda Gil avec qui il travaille à la création de la comédie musicale « 36 Popular Front ». Plus tard, au Canada, il devient vedette de série de télévision, puis, à la fin des années 80, il s’installe en Italie où il travaille avec Steno, Georgio Di Capitani, Dino Risi ou Pier Luiggi Pizzi qui monte avec lui «Le martyre de Saint Sébastien » au théâtre de la Fenice, à Venise.

Protagoniste de très nombreux feuilletons populaires français (Avocats et associés, Julie Lescaut, Nestor Burma, Le négociateur, Femmes de loi, Fargas, Père et Maire, Commissaire Valence, Mafiosa,…), italiens ou américains, il est également très présent au cinéma, travaillant notamment avec André Cayatte, Henri Verneuil, Bernard Borderie, Edouard Molinaro, Andrzej Zulawski, Ossang, Jacques Baratier, Gilles Behat, Josiane Balasko, Maroun Bagdadi, Claude Sautet… Il dira qu’il a joué aux côtés « des plus grands » : Gabin, Montand, « Monsieur » Delon.

Tout au long de son parcours d’artiste, le théâtre sera omniprésent. En tant qu’acteur :  « Caligula » de Camus, « L’Ambassade » de Mrozek, « Les derniers mots de Dutch Schultz » de Burroughs, « Cinna » de Corneille, au Festival d’Avignon dans La Librairie de Francis Parisot… ,metteur en scène (« La veuve joyeuse » de Franz Lehar, différents livrets d’Offenbach, des textes de Sagan,…) ou auteur.

Il publie chez Lansman :  « Le Chant du Bouc », (prix de la Semaine de l’Inédit Théâtral 93 d’Alfortville), « Les Merdicoles » (Une adaptation de son roman qu’il montera à la Comédie française en 1999, y laissant un souvenir impérissable), « Dès le printemps, la cafétéria est ouverte dans le parc », (mise en scène par l’auteur au Théâtre de Neuilly en 1994) et aux éditions Crater : « La Séparation des amants sous la pluie » (Théâtre de Neuilly, 1996).
Il est l’auteur par ailleurs d’un livret pour l’Opéra de Paris et de plusieurs scénarios dont « Tanja » avec Cyril Collard et Brion Gysin.

Il est d’autre part l’un des auteurs de romans d’amour les plus lu en France – une dizaine de titres tels que « Les Orphelins de Nha Trang », « Les amants du Séisme », «L’amour a deux visages »… ont été publiés dans diverses collections.

Eternel nostalgique, il écrit deux romans consacrés à son enfance Marseillaise. « Les Merdicoles » : l’aventure d’un quartier populaire de Marseille dans les années soixante d’où il résulte une galerie de portraits drolatiques et émouvants. Des histoires quotidiennes et colorées, où le pastis, l’amour, et les engueulades font bon ménage. Ce sont aussi les bouffées truculentes de souvenirs d’un petit garçon qui s’éveille à la vie au cœur des ruelles, des ruisseaux, des cris des voisins, dans l’odeur forte des poissons grillés, du basilic et des fosses d’aisance. Une mémoire joyeuse qui rend leurs couleurs aux hommes gris. Et « L’enfant sale », roman beaucoup plus sombre et poignant.

Du théâtre et de l’écriture vers la scénographie, il n’y qu’un pas que franchit une première fois Michel Albertini avec une première exposition en 2003 « Napoleao », ce qui lui vaut d’être considéré au Brésil comme l’un des scénographes européens les plus modernes et des plus talentueux. S’en suivront de nombreuses autres expositions, consacrées à Napoléon bien sûr, à qui il voue une très grande admiration, mais également (entre autres) : « Léonard », au musée des Tissus de Lyon, « Pierre Curie, L’Homme, le scientifique » au Panthéon, « J’aime les militaires », « Christian Lacroix costumier » (exposition qui voyagera également à Sao Polo et Singapour) ou encore « Mille et une nuits » au Centre National du costume de scène de Moulins, « Vauban » au Musée de l’Armée, « La nuit des musées » en 2006 et 2007 : Son et lumières au Dôme des Invalides, « Haïti » au Ministère de la Culture et de la Communication, « Paris d’amour » à L’Hôtel de Ville de Paris, …

Sa dernière réalisation le « Palazzu Napoleone », Musée de Bocognano témoigne de son profond attachement à ces racines corses ainsi que son travail en compagnie du groupe Corse Barbara Furtuna et de sa participation très active au cinéma de l’île.

« L’enfant Sale », Michel Albertini, Editions d’Ores et Déjà, 2011

A travers le personnage d’un enfant se dessinent les affres d’une séparation, un récit qui au fil des pages diffuse des effluves nauséabondes. Livré à lui-même, le gamin s’enterre dans une désaffection de sa propre personne, une haine de soi participant néanmoins à l’édification d’un être, à la découverte d’un monde.
Ce dernier roman de Michel Albertini questionne, dérange, puis finalement bouleverse. Il est indirectement question ici d’institutions, de parentalité et du rapport au monde. Avec, en filigrane, la question que Michel Albertini se pose constamment : Pourquoi ?

” Le matin la préparation commençait tôt. Je m’enrobais d’abord de pommade anti-transpirante, me massais pour faire pénétrer la crème visqueuse qui se mêlait à la crasse et donnait à mon corps les couleurs de l’embaumement, puis j’entourais mes membres de bandes Velpeau, ainsi que les boxeurs le font à leurs mains avant le combat.
Il fallait être patient. Les bouts glissaient parfois avant que j’ai eu le temps de les nouer. Je tendais les bandes et les faisais tenir avec du sparadrap et des épingles à nourrice. Si ce n’était pas assez serré, elles se relâchaient et il fallait tout recommencer.
Parfois, voyant l’heure tourner, j’en pleurais de rage. Mais à la fin, le résultat était épatant.
Un torero. Une larve. Une chenille enfant. Entouré de mes bandes je me trouvais élégant, le blanc m’allait bien.” 

« L’enfant sale » (extrait)

 

 

Michel Albertini le 17 avril

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